PORTRAIT Claude CONOD Octobre
92 Olivier PAULIN
" La vie commence à 40
ans" disait
Jeanne FONDA. Une nouvelle vie plutôt, si l'on prend l'exemple
de cette Lyonnaise, Claude CONOD, qui, nuance, c'est le mot, ne
s'est pas mise banalement à poursuivre
en transpirant la forme physique en tenues de couleurs voyantes,
mais bien au contraire est poursuivie par une inspiration soutenue
de voyante sur les formes et les couleurs. Claude CONOD, à 40
ans, est devenue peintre.
Après 25 ans d'enseignement et de direction d'une école
primaire, ses trois grands enfants à elle élevés,
elle a, en pleurant sur l'énorme bouquet de roses offert par
ses élèves et collègues, fait le grand saut,
un peu comme Gauguin au même âge : tout pour la peinture,
et rien que la peinture.
Arrachant son" gone" de mari des pentes de la Croix-Rousse,
elle a ouvert atelier et salle d'exposition dans le Dauphiné,
près de MORESTEL" La cité des peintres",
y retrouvant sûrement un peu de ce que fût Pont - Aven à Gauguin.
Car la nature est, avec les visages, une de ses
deux sources d'inspiration. Sans doute du fait qu'elle a souvent
accompagné son mari,
grand et discret alpiniste lyonnais, lors de ses nombreux voyages
dans les montagnes les plus sauvages de l'Islande, du Maroc, de la
Californie. Ne vous attendez pas cependant à du paysage de "l'école
lyonnaise" car tout est sublimé, fantasmé, peut-être
en vertu d'un tempérament slave hérité de sa
mère tchécoslovaque (pays improbable comme on sait).
Il faut voir ces tableaux dont le point de départ est un
morceau d'image découpée : fragment de paroi, de désert
ou de vallée, qui, à l'inverse du mandala, support
de la méditation du moine tibétain, est l'aire d'envol
de l'imagination colorée de Claude. On sait que les cristaux
de neige se forment et croissent autour d'un semblable noyau mal
identifié : poussière, grain de pollen etc... Selon
le même processus naissent donc dans le chatoiement des pastels
ces paysages imaginaires que l'on pressent quelquefois du coin de
l'reil dans ces hautes solitudes qui hantent les Aventuriers du Vide,
et qu'on pourrait nommer de ce terme subtilisé aux chimistes
et qui rend à lui seul si poétique l'aride classification
de Mendeléïev : les Terres Rares.
On se doute bien que parti sur ces images de cristallisation,
on ne peut, détournant, mais si peu, la célèbre
théorie stendhalienne, tirer autre chose que cette conclusion
: seule la concentration du grand amour de Claude CONOD pour les
montagnes et leurs lumières, pour ces lieux sauvages et retirés
que notre époque écologique, exhumant ce terme américain
cher à Jacques London, nomme le wilderness, a permis que précipitent
sur le papier des oxydes et des sels aux si riches couleurs.
Enfin, aboutissement de cette série, il y a " les purs
poèmes nés de rien", ces paysages où il
n'est nul besoin du point de départ rapporté, qu'on
pourrait après tout, malgré toutes les lettres de noblesse
qu'a pu acquérir le collage au XXème siècle,
interpréter comme une timidité d'artiste devant l'angoisse
de la toile vierge. Non, là, la joyeuse palette des couleurs
sans être violente en rien, nous fait envier la sérénité de
Claude CONOD, car chacun sait depuis qu'Amiel l'a écrit qu' " un
paysage est un état d'âme".
L'âme, Claude CONOD la poursuit dans son autre source d'inspiration
: les visages. Que ce soit, d'un bleu himalayen, toujours à cause
de sa connaissance des milieux alpins, celle de Reinhold Menner,
premier homme à avoir gravi les 14 " plus de 8.000" de
la terre, ou celle, très métaphorique avec son visage
mi partie or, de cette femme de l'Atlas sous son voile, ou encore
celle de cette petite fille qu'aurait rêvé Balthus......
On sent qu'une longue recherche vient de commencer. Nous la suivrons
avec attention.
Olivier PAULIN
Haut page